Des génies ou des fous ?

Des génies ou des fous ?

Peut-être ne sont-ils que deux visages d’une même essence, deux reflets d’un même abîme.

Le progrès, ce flot impétueux que nous avons mis en marche, nous dépasse déjà. Nous semblons marcher sur un fil tendu au-dessus d’un vide que nous ne voyons pas encore. Et je me demande : "vers quoi avançons-nous vraiment ?"

Après avoir traversé la révolution industrielle, nous avons façonné la révolution numérique. Et dans le tumulte de cette ascension fulgurante, tout s’est précipité si rapidement que nous ne savons plus distinguer le chemin que nous empruntons. Nous avons allumé la machine, l’avons nourrie de notre ingéniosité, l’avons édifiée de nos mains, et aujourd’hui, c’est elle qui semble nous gouverner. Saurons-nous entendre l’alerte, percevoir le frémissement de cette mécanique avant qu’elle ne prenne un contrôle irréversible ? Arrêterons nous cette course, ou laisserons nous ces entités programmées tracer des desseins que nous ne comprenons même plus ?

On parle de science-fiction. Mais qu’est-ce que la fiction, sinon l’écho de ce que nous redoutons de voir advenir ? Ce qui semblait impossible devient tangible. Et je sens, profondément, que la marche arrière est un rêve vain. L’homme est fier. Son ego s’érige en monument, et sa capacité à ignorer la fragilité du monde semble inépuisable. Penser que ceux qui détiennent le pouvoir et les richesses de la planète choisiraient soudain le bien collectif relève pour moi de la véritable fiction. Leur indifférence au feu qui dévore la Terre nous laisse seuls face à notre destinée.

Et pourtant, la conscience humaine recèle toujours une lueur de potentialité. Il existe des chemins que nous pouvons tracer, des systèmes que nous pouvons inventer, des manières d’être qui n’empruntent pas les traces de l’ancien monde. Mais cela demande courage, lucidité, et le renoncement à nos sécurités, à nos habitudes de confort. Nous devons apprendre à marcher plus lentement, à sentir le sol sous nos pieds, à écouter le souffle de la vie autour de nous.

Si ce n’est pas pour nous, alors faisons-le pour eux : pour nos enfants, pour ceux qui naîtront dans le monde que nous aurons façonné ou abandonné. Peut-être que, dans cette humble audace, réside notre dernier acte de sagesse.

Cyrielle Lylidee